La présidente de l’association nationale des hémophiles, Mme Latifa Lemhene, revient dans cet entretien sur les avancées dans la prise en charge de l’hémophilie à travers le monde et les efforts déployés pour améliorer la prise en charge des hémophiles algériens notamment avec l’introduction des nouvelles thérapies. “Pour palier aux ruptures de médicaments, une solution a été trouvée grâce à un travail de collaboration avec les différents partenaires avec l’implication de la PCH“, s’est -elle félicité.
Propos recueillis
Par Djamila Kourta
Le Sommet sur les soins intégrés 2023 de la Fédération mondiale de l’hémophilie (FMH), qui s’est tenu du 10 au 12 mai 2023 à Buenos Aires, en Argentine, a abordé les nouveaux développements en matière de troubles de la coagulation et santé musculosquelettique. Quelles sont les nouveautés dans la prise en charge des hémophiles ?
Le Sommet sur les soins intégrés a réuni des professionnels de santé spécialisés dans les troubles de la coagulation et musculosquelettiques, ainsi que des patients et des représentants associatifs de la communauté, afin de discuter des problèmes et des questions en lien avec la prise en charge des troubles de la coagulation aux quatre coins du monde.
Les intervenants ont évoqué les nombreux points forts relatifs au volet médical, musculosquelettique et multidisciplinaire. Ils ont également affirmé l’importance d’acquérir de nouvelles connaissances sur les recherches et découvertes médicales. Comme, ils ont abordé les opportunités pour les participant· d’évaluer avec leurs collègues les problèmes et questions liés à la prise en charge des troubles de la coagulation. La nature internationale de ce sommet a aussi été mise en avant : en tant qu’événement mondial, il permettra à tous les individus qui y participent de changer les choses pour les personnes atteintes d’un trouble de la coagulation dans le monde entier.
Y a -t-il réellement une évolution dans la prise en charge des patients hémophiles ?
Dans le monde, actuellement, certains traitements ont révolutionné le quotidien des patients hémophiles par l’amélioration significative de la demi-vie des traitements, le mode d’administration en sous cutanés, la thérapie génique…. Mais sans oublier la place de choix de la rééducation fonctionnelle dans la prise en charge des patients. Une évolution extraordinaire qui tend de plus en plus à rendre la vie des hémophiles proches de la normale notamment dans les pays à grandes ressources mais pas que… puisque les pays à faibles revenus bénéficient de ce genre de produits grâce au programme d’aide humanitaire de la fédération mondiale de l’hémophilie.
Qu’en est-il en Algérie?
En Algérie, la prise en charge des hémophiles s’est nettement améliorée grâce au travail accompli par les différents acteurs le ministère de la santé, le corps médical et l’association bien évidemment qui est le moteur de la machine par le travail du plaidoyer, la formation médicale, l’éducation thérapeutique des familles et des enfants hémophiles.
Des efforts louables accomplis, durant ces dernières années, concernant la consommation des facteurs anti-hémophiliques placent l’Algérie en 3ème position dans le continent africain après l’Afrique du sud et l’IIe Maurice. Le programme de prophylaxie institué depuis 2008 a donné d’excellents résultats et a changé la vie des enfants hémophiles. Nous avons une nouvelle génération qui ne souffre pas de handicap ni de séquelles invalidantes. La substitution des facteurs anti-hémophiliques à titre préventif a réellement changé la vie des patients hémophiles
Vous avez alerté sur la rupture des médicaments utilisés pour la prophylaxie. Est- ce que le problème est toujours posé ?
La prophylaxie est considérée comme le traitement standard des hémophiles dans le monde afin de prévenir les saignements redoutables notamment chez les patients atteints de la forme sévère de cette maladie. A cet effet toute interruption de traitement préventif expose la personne atteinte d’hémophilie à des saignements spontanés mettant à risque ses articulations. Un saignement non soignée expose le patient hémophile a des complications majeurs.
La rupture que nous avons vécu ses derniers mois risque justement de remettre en cause un travail de plusieurs années sans compter la panique semée chez les patients et leurs parents. Une rupture de médicaments peut être considérée comme étant un échec et nous n’avons pas le droit de revenir en arrière. La prophylaxie est un droit pour les jeunes hémophiles de par les directives du ministère de la santé publiées en 2018.
A propos des dernières ruptures, une solution a été trouvée grâce un travail de collaboration avec les différents partenaires avec l’implication de la PCH qui doit assurer la continuité des soins curatifs et préventifs des patients hémophiles. L’introduction des nouvelles thérapies est le grand espoir des malades.
Le ministère de la santé a mis en place des actions afin d’améliorer la prise en charge de l’hémophilie. Quels sont les résultats aujourd’hui?
Dans le souci est de garantir un accès équitable à chaque patient hémophile en Algérie, nonobstant de son lieu de résidence, un guide sous forme de directives nationales a été élaboré. Il y a également l’idée de mettre en place un réseau de prise en charge qui s’est concrétisé l’an dernier par décision ministérielle N°17 du 28-05-2022 qui prévoit le rattachement au CHU de tous les malades résidants dans les wilayas limitrophes. Exemple Mila, jijel… seront rattachés au CHU de Constantine.
La rencontre de demain 18 mai 2023 intervient justement dans cette dynamique pour expliquer à tous les intervenants de ce nouveau circuit de prise en charge leurs implications respectives à savoir médecins chefs de services hématologie et pédiatrie, les pharmaciens des CHU, la PCH, et bien évidement la direction de la prévention du ministère de la santé.
Le réseau institué constitue un projet pilote au ministère de la santé qui précède même les textes d’application de la loi relative à la santé et c’est le premier réseau maladie chronique en Algérie.
Comment ce réseau sera- t-il organisé ?
Un projet aussi ambitieux doit être accompagné par la formation, par le renforcement du circuit de diagnostic, par l’éducation thérapeutique des patients. Le ministère va désigner un référent dans chaque wilaya qui va coordonner avec le centre de référence qui doit lui-même disposer d’une équipe pluridisciplinaire (hématologue, pédiatre, médecin biologique, rééducateur, orthopédiste, dentiste, infirmier …)
Quel est le rôle de l’association aujourd’hui et quelles sont ses actions ?
L’association nationale des hémophiles (ANHA) est très connue actuellement mais aussi reconnue au niveau national et international. Notre association s’est réellement distinguée dans toute la région Afrique-Moyen orient (selon les déclarations de la fédération mondiale de l’hémophilie) de par ses actions multiples envers les malades en matière de formation, éducation, mais aussi son rôle de plaidoyer pour faire connaitre les troubles de la coagulation auprès des autorités de santé, la médiatisation de l’hémophilie et des troubles hémorragiques.
La force de notre association vient du travail d’équipe des membres du bureau et de l’excellente collaboration entre eux. Un travail organisé et très structurée que l’on doit à la fédération mondiale de l’hémophilie.
Au niveau national : nous avons aussi un programme chargé en matière de formation médical dans les wilayas de l’intérieur du pays et les régions sud. Ainsi que de l’éducation thérapeutique des patients.
Au niveau international : Nous avons eu l’expérience de jumelage avec l’association malienne des hémophiles, un réel succès qui nous a donné beaucoup de notoriété et prochainement ça sera avec le Djibouti. Nous sommes aussi Mentor du Bénin dans le cadre d’un projet avec la fédération mondiale de l’hémophilie.
Nous avons assuré des formations sur les techniques du plaidoyer, la gouvernance associative, les relations avec les médias, les laboratoires pharmaceutiques, la sensibilisation… dans beaucoup de pays d’Afrique à l’exemple du Sénégal, le Togo, le Kenya. Nous sommes une réelle référence en Afrique.
D.K