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Entretien avec Pr Reda Djidjik: “L’exercice de la biologie médicale nécessite une spécialisation”  

 

Réda Djidjik, professeur en immunologie, chef de service au CHU de Beni Messous et doyen de la Faculté de Pharmacie à Alger, revient dans cet entretien accordé à TDMsanteinov, sur l’importance de la spécialisation dans  l’exercice de la biologie médicale. Il redoute une grave dérive dans cette activité qui risque d’avoir un impact sur la qualité des soins.

Propos recueillis

par Djamila Kourta

Suite à la décision de suppression de l’activité « analyse médicale » du code d’activité pour la pharmacie par le ministère du commerce pour être par la suite annulée, les syndicats des pharmaciens et les biologistes SNAPO et SALAM se livrent une bataille larvée par communiqués interposés. Quel est votre point de vue en tant que biologiste ?

Je dois rappeler que les deux corps, le pharmacien généraliste et les biologistes sont des personnels scientifiques formés avec un diplôme.  Les biologistes qui sont issus de formation différentes, à savoir le pharmacien généraliste et le médecin généraliste, ont suivi un résidanat de quatre ans pour faire de la biologie médicale. Les spécialités sont en nombre de cinq : Biochimie, Parasitologie, microbiologie, immunologie, et l’hémobiologie. Quant à cette polémique, je dois dire qu’elle n’a pas raison d’être.

Il est vrai, à une certaine époque, les pharmacies étaient autorisé à faire certains examens biologiques. Vu l’immensité géographique de l’Algérie, l’Etat  s’est appuyé effectivement sur ce personnel, pharmaciens d’officine, il y a quelques années, pour aider les populations des zones enclavées mais aujourd’hui les textes réglementaires sont clairs notamment la loi sanitaire 18-11.

Justement, les syndicats des pharmaciens revendiquent cette activité en s’appuyant sur la nouvelle loi sanitaire. Comment expliquez-vous cela ?

Nous sommes en 2024, la biologie médicale s’est totalement transformée et développée avec de nouvelles techniques très pointilleuses qui nécessitent une formation assez particulière. Aujourd’hui, des milliers de biologistes ont été formés et des laboratoires d’analyses médicales sont répartis sur tout le territoire national. Je dois rappeler que chacun doit exercer son métier. Cette polémique entre les pharmaciens et les biologistes ne devrait pas exister car il y a des limites à ne pas franchir. Comme c’est le cas également avec les médecins généralistes et spécialistes qui sont tous les deux compétents dans leurs domaines respectifs et le médecin généraliste ne peut pas prétendre à être spécialiste même s’il a recours à certaines techniques spécialisées.

Je rappelle que la biologie médicale est une spécialité médicale à part entière avec quatre ans de formation et que chacun fasse son métier surtout dans les villes, où il y a beaucoup de laboratoires de biologie, parce qu’il est inconcevable de laisser les pharmaciens d’officine faire de la biologie médicale.

En permettant ce type de pratique, c’est ouvrir la porte à de graves dérives et à une anarchie. A ce moment -là, le biologiste va également, lui aussi, dire qu’il va dispenser des médicaments et ainsi de suite. L’Etat est garant de toutes ces pratiques médicales et en tant qu’expert nous sommes là pour apporter notre expertise et dire sincèrement que chacun a son rôle et contribue pour la santé publique. Le spécialiste reste spécialiste le généraliste est généraliste.

Il faut rappeler que la mission du pharmacien est extraordinaire. Outre la dispensation des médicaments, il y a l’éducation thérapeutique et il est près du malade. On a même dit oui pour le pharmacien vaccinateur car il est le dernier maillon de la chaîne de soins. Mais, faire de la biologique médicale avec des automates et les nouvelles techniques que nous avons aujourd’hui, est une grave dérive.

Vous insistez sur l’importance de cette activité qui est une activité médicale à part entière. Est-ce qu’elle doit être soumise à l’autorisation du ministère du commerce dans le cadre de la nomenclature des codes du RNC ?

NON. Je rappelle que la biologie médicale est un acte de soin. Vous devez savoir que 80% des décisions thérapeutiques passent par des bilans biologiques. Le médecin traitant ne peut prendre aucune décision sans les résultats de ces bilans réalisés dans les conditions et le respect de bonnes pratiques et interprétés par le spécialiste. Je suis interpellé en tant que biologiste spécialiste en terme de qualité des examens biologiques. Il y a va de la qualité des soins et la sécurité des patients. La biologie médicale est un acte médical qui relève d’une spécialisation de haut niveau, ce n’est pas seulement une machine et des chiffres. Cette activité ne peut être assimilée à un commerce.

Est-ce que le pharmacien généraliste diplômé de la faculté de pharmacie peut justement exercer cette activité médicale ?

Je tiens à répéter que l’exercice de la biologie médicale nécessite une spécialisation. A la faculté de pharmacie, des modules de biologies sont effectivement dispensés aux étudiants en pharmacie pour un diplôme de pharmacien généraliste. Mais ce ne sont pas ces modules qui vont lui permettre de faire un acte médical spécialisé. Je peux concevoir qu’un pharmacien puisse pratiquer un acte biologique mais la responsabilité médicale et l’interprétation des examens ne relèvent pas de ses compétences.

D.K

2 Comments

  1. Maachi

    23 janvier 2024

    Bravo professeur chacun son métier. Ça n’existe qu’en Algérie ces agissements. C’est honteux .

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