Dans cet entretien, M. Djallal Bouabdellah insiste sur la mise en place d’une approche stratégique pour la réussite d’une transformation digitale dans le secteur de la santé.
Propos Recueillis par
Djamila Kourta
La transformation digitale dans le secteur de la santé est aujourd’hui un des leviers permettant d’améliorer la prestation des soins de santé. Pouvez -vous nous faire un état des lieux sur cette transition ?
L’adoption de la transformation digitale dans le secteur de la santé est aujourd’hui un processus en pleine évolution, qui reflète un mélange de progrès prometteurs et de défis persistants. D’un côté, nous constatons une intégration croissante des technologies numériques dans les établissements de santé. Les dossiers médicaux électroniques (DME) sont devenus une norme dans de nombreuses régions, permettant une meilleure continuité des soins, une réduction des erreurs médicales et une plus grande efficacité administrative.
La télémédecine, quant à elle, a considérablement élargi l’accès aux soins, particulièrement dans les zones rurales ou mal desservies. En parallèle, des solutions basées sur l’intelligence artificielle (IA) commencent à transformer le diagnostic, la prise de décision clinique et même la médecine prédictive. Par ailleurs, l’adoption des nouvelles technologies peut être freinée par des réticences culturelles, un manque de compétences numériques au sein des équipes médicales ou encore des contraintes budgétaires. Malgré ces obstacles, la transformation digitale du secteur de la santé continue de progresser.
En adoptant une approche stratégique, en investissant dans les infrastructures numériques et en sensibilisant le personnel médical à ces nouveaux outils, les acteurs de la santé peuvent non seulement améliorer l’efficacité et la qualité des soins, mais aussi jeter les bases d’un système de santé plus résilient et mieux préparé pour l’avenir.
Quels sont les préalables pour une meilleure intégration des technologies dans le système de santé national ?
Une intégration efficace des technologies dans le système de santé national algérien repose tout d’abord sur la mise en place d’infrastructures numériques robustes et interopérables. Cela inclut la modernisation des réseaux informatiques des établissements de santé, le déploiement de dossiers médicaux électroniques (DME) unifiés et le développement de plateformes d’échange de données conformes aux standards internationaux.
Ces fondations technologiques permettent un partage fluide et sécurisé des informations entre les différents acteurs, facilitant ainsi une coordination plus efficace des soinss. Ensuite, il est essentiel de renforcer les compétences numériques des professionnels de santé. Cela passe par des programmes de formation continue, la sensibilisation aux outils numériques et le développement d’une culture de l’innovation technologique.
En complément, un cadre réglementaire clair et rigoureux, aligné sur les meilleures pratiques mondiales en matière de protection des données et de cybersécurité, est indispensable.
Il garantit la confiance des patients et des praticiens, tout en offrant un environnement stable pour l’adoption de solutions technologiques. Enfin, une vision stratégique et coordonnée au niveau national est primordiale. Les autorités doivent définir des priorités claires, encourager les partenariats public-privé et allouer des ressources suffisantes pour soutenir les projets technologiques dans la santé. Ce leadership fort, associé à une infrastructure technique, une montée en compétences et un cadre réglementaire adapté, constitue la base d’une transformation numérique durable et bénéfique pour l’ensemble du système de santé algérien.
Plusieurs défis et besoins non satisfaits sont à relever. Quels sont, selon vous, les moyens d’accélération de cette transformation ?
Pour accélérer la transformation numérique dans le secteur de la santé, il est impératif de prioriser les investissements stratégiques dans les infrastructures et les outils numériques. Cela inclut notamment l’élargissement de la couverture Internet haut débit, le déploiement de solutions interopérables pour les dossiers médicaux électroniques (DME) et le renforcement des capacités de stockage et de traitement des données sensibles dans des environnements sécurisés. Ces bases technologiques solides facilitent une mise en œuvre plus rapide et plus fiable des initiatives numériques.
Ensuite, il est essentiel de promouvoir la formation et la sensibilisation des professionnels de santé aux outils technologiques. Des programmes de développement des compétences numériques, associés à une stratégie claire de gestion du changement, aident à surmonter les réticences et à encourager l’adoption des innovations.
Parallèlement, des incitations financières, des partenariats public-privé et un cadre réglementaire incitatif favorisent l’émergence d’un écosystème numérique dynamique. En combinant ces leviers, il devient possible d’accélérer sensiblement le rythme de transformation numérique, tout en assurant une qualité de soins et une sécurité optimale pour les patients.
L’Absence de données demeurent une des problématiques soulevées par les experts. Comment peut-on y remédier ?
Pour remédier à l’absence de données dans le secteur de la santé, la première étape consiste à mettre en place des systèmes robustes de collecte et de gestion des informations. Cela passe par la digitalisation des processus, le déploiement de dossiers médicaux électroniques (DME) normalisés et la création de bases de données interopérables permettant une centralisation et un partage sécurisé des informations.
Ces mesures établissent une source fiable et continue de données exploitables, contribuant ainsi à réduire les zones d’ombre dans la prise en charge des patients. Ensuite, il est crucial de favoriser une culture de la donnée au sein des institutions de santé. Cela implique de sensibiliser les professionnels de santé à l’importance de la documentation précise et complète des cas cliniques, ainsi que de mettre en place des protocoles stricts pour garantir la qualité et la cohérence des informations enregistrées.
De plus, des partenariats avec des universités, des centres de recherche et des entreprises technologiques peuvent aider à exploiter les données collectées de manière innovante, renforçant ainsi les capacités de prévision, d’analyse et d’amélioration des soins. Ces initiatives combinées permettent de transformer un environnement pauvre en données en un système de santé fondé sur des informations riches et fiables.
Qu’en est-il également de la protection des données dans notre pays ?
Depuis l’entrée en vigueur de l’Autorité Nationale de Protection des Données à caractère Personnel (ANPDP) le 11 août 2022, l’Algérie a franchi une étape importante dans la régulation et la protection des données personnelles. Cette autorité a pour mission de veiller à l’application de la loi et de garantir que les institutions publiques, ainsi que les entreprises privées, respectent les droits des citoyens en matière de confidentialité et de gestion des informations personnelles. Cela représente une avancée significative, non seulement pour répondre aux exigences internationales, mais aussi pour instaurer une culture de protection des données dans le pays.
Cependant, il reste des défis à relever. L’opérationnalisation effective de l’ANPDP nécessite une infrastructure technique et humaine solide, ainsi qu’une sensibilisation accrue des parties prenantes. La collaboration entre les régulateurs, les entreprises et les citoyens est essentielle pour assurer un respect rigoureux des normes établies et pour encourager des pratiques éthiques dans la collecte et l’utilisation des données.
En somme, si l’Algérie dispose désormais d’une autorité compétente, il lui appartient de consolider cette base pour garantir une protection des données efficace et pérenne.
D. K.