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Science Tribune

Contribution/ Pr Omar Zemirli ORL: “La faculté de médecine dentaire tant attendue verra-t-elle son vœu se réaliser cette année ?”

Depuis l’indépendance jusqu’au jour d’aujourd’hui, voila plus de soixante ans ( de 1962 à 2022 ) le département de médecine dentaire a toujours fait partie de la grande famille de la faculté mixte de médecine et de pharmacie sans que le qualificatif de chirurgie ou médecine dentaire ne soit mentionné. N’est-il pas temps que le département qui formait le trio avec les deux autres se voit à son tour exister en tant que faculté.

En effet, après six décennies de cohabitation harmonieuse, juste et équitable au sein de la faculté mixte de médecine et de pharmacie et après l’érection du département de pharmacie en faculté en novembre 2021 , le passage en faculté de médecine dentaire de ce qui va être un ex département est une évolution naturelle, logique et nécessaire mûrement réfléchie et tant attendue par les enseignants hospitalo universitaires tous grades confondus et les étudiants tous niveaux compris .
Plusieurs raisons, arguments et avantages sont naturellement en faveur de cette évolution aussi bien administrative que scientifique.

Afin d’envisager l’avenir de la nouvelle faculté de médecine dentaire, un rappel historique de la naissance de ce qui était intitulé «la chirurgie dentaire », son parcours, son évolution, son développement, les professeurs qui l’ont enseignée et qui ont milité, se sont sacrifiés pour l’indépendance de notre pays. Ils auraient tant souhaité la voir atteindre un haut niveau de développement et la voir autonome pour ne citer , le Pr Oucharef Mohamed qui a été l’un des fondateurs de l’école d’Alger post indépendance qui a été député et qui a occupé le poste de vice président de l’assemblée nationale, le Pr Bouchouchi Mokrane qui , dès le début de la révolution, il intègre le FLN et son cabinet devient une plaque tournante où se rencontrent les responsables dont Abane Ramdane et Benyoucef Ben Khedda et Pr Hafiz Salim (rejoint les rang de l’ALN et était membre de l’Organisation Civile du Front de Libération Nationale) , ex chef de service de maxillo faciale chu mustapha, tous militants et engagés depuis qu’ils étaient jeunes étudiants à la faculté mixte de médecine d’Alger .

Ils ont poursuivi leur combat jusqu’à l’indépendance du pays et ont continué leur combat sous une autre forme , en ne ménageant aucun effort en tant qu’enseignants et en relevant le défi après le départ des enseignants français . Parmi les quelques étudiants algériens très peu nombreux par rapport aux étudiants pied noirs , quelques uns ont rejoint le maquis après la grève des étudiants et l’appel du 20 Août 1956 . Parmi eux , l’étudiant de 3ème année en Chirurgie Dentaire, le martyr Khodjet El Djeld Mahmoud est tombé au champ d’honneur à l’âge de 26 ans à Tablat»une plaque commémorative l’immortalise sur le fronton d’un pavillon à l’hopital issad hassani du chu beni messous.
Pour rappel l’institut d’odonto-stomatologie , ancêtre du département de la médecine dentaire fût créé en 1950 par l’arrêté du 27 juillet 1950.
l’enseignement était réalisé par des Chirurgiens-Dentistes et par des Prothésistes Dentaires à mi-temps : les matières fondamentales et médicales  étant enseignées par la Faculté de Médecine. La durée de l’enseignement était de 5 ans
L’année 1971 , l’école Dentaire devient Département de Chirurgie Dentaire inclus d’abord au sein de l’Institut des Sciences Médicales d’Alger (ISM, décret du 3 septembre 1974) lui-même rattaché à l’Université d’Alger puis à l’Institut National des Etudes Supérieures en Sciences Médicales à partir du mois d’Aout 1984 où la durée des études fut alors diminuée et ramenée à 4 ans. Les années 90, l’INESSM est dissout et remplacé par la Faculté de Médecine avec ses trois Départements (Médecine, Pharmacie et Chirurgie Dentaire) . Elle fera partie de l’Université d’Alger.

La durée des études de graduation sera de 7ans ans en Médecine et à 5 ans en Pharmacie et en Chirurgie Dentaire. Une conférence Nationale des Doyens des Facultés de Médecine d’Algérie, eu lieu en Avril 2011, sous la tutelle du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique .Elle s’est soldée par plusieurs décisions, nous citerons quelques-unes :La nouvelle nomination de Médecine Dentaire au lieu de Chirurgie Dentaire Le titre du Diplôme de Docteur en Médecine Dentaire est octroyé après une soutenance publique de mémoire de fin d’études.

Les études de graduation passent à 6 ans en Médecine Dentaire.
L’école dentaire d’Alger est la pionnière à travers le territoire national puis successivement furent créés , l’école Dentaire d’Oran en 1975, de Constantine en 1977, d’Annaba en 1980 et bien d’autres encore plus tard. De nombreux étudiants venus des pays Africains , de Tunisie , de Syrie , de Palestine , de Liban ont été formés à la faculté de médecine d’Alger principalement en dentaire .
Le décanat de cette nouvelle faculté de médecine dentaire sera composé exclusivement d’enseignants hospitalo- universitaires désignés, choisis voir élus par leur pairs.Il s’agit bien évidement du doyen de même que des vice doyens et des responsables à différents niveaux de la graduation, première et seconde post-graduation.

Historiquement dans toutes les universités du monde, les trois anciens départements de la faculté mixte de médecine se sont vu individualisé en trois facultés distinctes, médecine, pharmacie et dentaire depuis fort longtemps. Pour l’anecdote , il y’a une vingtaine d’années et afin d’illustrer cet état de fait nous, responsables du décanat de la faculté de médecine d’Alger avons sollicité la CIDMEF ( conférence internationale des doyens de faculté de médecine d’expression française ) une des agences scientifiques mondiales dont l’une de ses missions l’accréditation afin d’évaluer notre faculté .

Grand fut l’étonnement de part et d’autre quand les experts de cette commission nous informent qu’ils se limiteront qu’au département de médecine . Nous étions à la fois déçus et perplexes du fait que les deux autres départements , de pharmacie et de dentaire ne soient pas concernés par l’évaluation . Devant le souci de l’éventuel mécontentement de nos collègues des deux autres départements , nous avons failli refuser cette évaluation qui ne concerne que le tiers de notre faculté .
Incompréhension aussi de la part de la délégation qui ne comprenait pas qu’au sein de notre faculté de médecine existe deux autres entités alors qu’ils sont bien distinctes dans tous les pays . C’est ainsi qu’après commun accord, nous avons fini par accepter l’évaluation du seul département de médecine .
Une promesse faite aux deux autres départements que leur tour arrivera pour leur propre évaluation par des experts relevant de leur domaine .
Actuellement, le département de médecine dentaire est toujours intégré à la faculté de médecine . Cet état de fait donne l’impression que les enseignants de médecine dentaire n’ont pas les capacités d’être autonomes et les moyens de se prendre en charge . Ils ont le sentiment d’être «les laissez pour compte ».
·         L’autonomie de la faculté de médecine dentaire permettra de mieux prendre en charge l’enseignement des spécialités existantes, les optimiser et surtout créer de nouvelles spécialités qui existent au sein des facultés étrangères depuis de nombreuses années et renouveler, réformer, moderniser d’une façon optimale et rationnelle les équipements des laboratoires de formation au sein de leur faculté et équiper les services hospitalo-universitaires et les dynamiser .
·         En effet, la nouvelle faculté de médecine dentaire permettra l’octroi d’un budget qui lui sera propre, géré d’une façon rationnelle aussi bien pour le fonctionnement que pour les équipements en fonction des besoins spécifiques et des priorités de chacune de leurs spécialités.
L’ancien département de pharmacie devenu faculté qui a été attendue a été bien perçue par la majorité des enseignants hospitalo universitaires des trois départements avec l’espoir du « jamais deux sans trois » en particulier par la totalité des enseignants de la future faculté de médecine dentaire.
Tous les enseignants « dentaires » attendent impatiemment leur tour afin d’établir une équité et ne pas se sentir « sous tutelle ».

La concrétisation du projet est aisément accessible au niveau du département dentaire de la faculté de médecine d’Alger qui peut servir de faculté de médecine dentaire pilote à l’instar de la faculté de pharmacie . En effet le département possède ses propres locaux administratifs .
Les chiffres des enseignants de rang magistral sont respectivement de 34 professeurs et de 21 maîtres de conférences .

Le nombre de maître- assistants avoisine la centaine . Quant aux étudiants en graduation il est de de 2500 étudiants et de 200 en post graduation ( résidents)
Concernant les départements de médecine dentaire des autres facultés de médecine du pays , un état des lieux est nécessaire aussi bien pour les infrastructures existantes , la ressource humaine administrative et le nombre d’enseignants hospitalo universitaire existants afin de valider la mutation vers une faculté souveraine .A l’instar de leurs collègues médecins et pharmaciens, les enseignants hospitalo universitaires de la futur faculté de médecine dentaire sont prêts à relever le défi de la bonne gouvernance et tous motivés, plein d’entrain et d’enthousiasme pour prendre en main la destinée de leur futur faculté . Ils s’engagent aussi à relever les défis de demain.
Dans cette nouvelle faculté dentaire sera envisagé la création d’un nouveau Département avec de nouvelles filières à savoir celui des Auxiliaires de la Médecine Dentaire et de prothésiste dentaire . Elles s’intégreront dans le système LMD . Ce détachement de la faculté de médecine fera « d’ une pierre deux coups » chaque faculté pourra se projeter dans le futur en créant des spécialités existantes dans d’autres pays , qui font défaut depuis de longues années et réduisant les spécialités dentaires au strict minimum à savoir un nombre limité à 5 spécialités a savoir : la pathologie et chirurgie bucco dentaire , l’orthopédie dento faciale , la prothèse, l’odontologie conservatrice , l’endodontie et parodontologie .
·         Il est temps d’anticiper sur l’avenir des sciences médicales et de la santé et c’est en se renforçant et en se redéployant qu’on améliorera ce qui existe et qu’on créera de nouvelles spécialités toutes indispensables les unes que les autres, soit en médecine , en pharmacie qu’en dentaire.
·         Afin aussi de lever le sentiment d’inégalité ressentie par les enseignants et les étudiants de médecine dentaire et leur permettre de se prendre en charge et de décider de leur destin universitaire et hospitalier, il est expressément demandé aux tutelles respectives essentiellement le ministère de l’enseignement supérieur de prendre la décision de faire du département médecine dentaire une faculté à part entière . Des commissions de professeurs peuvent être dégagés dans les meilleurs délais afin de prioriser les spécialités qui peuvent être créées en recensant les enseignants déjà formés dans des universités étrangères et qui peuvent coordonner les nouvelles spécialités.
·         A défaut de créer toutes les spécialités existantes sous d’autres cieux , une sélection peut être faite en fonction de critères objectifs en tenant compte de l’adéquation des besoins en soins de la population relevant du ministère de la santé et des moyens à mettre à disposition et d’un corps d’enseignants dûment formé.
·         Enfin, l’autonomie de la médecine dentaire, en se concentrant et en se consacrant à leurs spécialités , les enseignants qui auront la mission de booster cette nouvelle faculté géreront d’une façon rationnelle et optimale le nombre et le flux des étudiants . Le nombre, sans se référer « au numerus clausus» mais en appliquant « le numerus Apertus » , est une donnée fondamentale quant à la bonne gouvernance dans la formation des spécialités existantes et des nouvelles spécialités à introduire.
·         Que le vœu par l’ensemble de la communauté hospitalo-universitaire pour la création de la faculté de médecine dentaire, à l’occasion de cette nouvelle année 2023 soit exaucé. Cette faculté de médecine dentaire n’est pas une utopie au regard des objectifs que l’université algérienne s’est fixée, à savoir, atteindre l’excellence à travers la création des hautes écoles avec l’espoir de voir la création de l’université des sciences médicales et de la santé.

Avec ses différentes facultés distinctes de médecine, de pharmacie et de dentaire ( nous pouvons faire abstraction du mot médecine pour éviter un éventuel quiproquo), d’autres facultés en sciences de la santé peuvent en faire partie .
Cette mise en conformité officialisée par notre ministère de tutelle est la traduction d’une dimension scientifique importante car elle insère notre faculté de médecine dentaire dans le giron des grandes facultés mondiales . Elle s’inscrit également dans le cadre de l’appel de notre président de la république , Monsieur Abdelmadjid Tebboune pour une Algérie nouvelle .
Au final, il est temps que la doyenne des universités d’Algérie, l’université d’Alger 1 Youcef Benkhedda accueille dans ses rangs la faculté de médecine dentaire pilote.

Dr Omar Zemirli ORL
Professeur, Ex chef de service chu Béni Messous
Ex doyen de faculté de médecine d’Alger

 

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