Dans le cadre d’un projet de recherche transversal entre les instituts Pasteur ayant pour but de lancer la réflexion sur la médecine de précision en Afrique du nord, l’institut Pasteur d’Algérie a organisé les premières journées PerMedina Algérie les 8 et 9 janvier avec la participation d’experts. L’institut Pasteur d’Algérie est désormais doté d’un laboratoire d’onco-génétique pour le séquençage génomique et déployé la médecine personnalisée.
L’objectif de ces journées est d’engager la réflexion pour connaitre de manière exhaustive l’état des lieux et identifier les moyens existant afin de déployer la stratégie de mise en place de la médecine de précision en Algérie. « Grâce aux avancées de la recherche en génomique et en biologie moléculaire, la médecine de précision offre de nouvelles perspectives de prise en charge thérapeutiques particulièrement dans le traitement des cancers », a expliqué le Pr Fawzi Derrar, le directeur général de l’Institut Pasteur d’Algérie après avoir présenté le projet PerMedina et ses objectifs. Il a rappelé, ainsi, les quatre étapes de ce projet qui consiste à faire un état des lieux, développer les méthodes d’apprentissage, diffusion de l’information et de communication tout en mettant en place une équipe pluridisciplinaire.
Comment adapter cette nouvelle approche dans notre système de santé avec le défi majeur de financement ? Quels sont les mécanismes à mettre en place pour assurer un financement pérenne au vu des coûts élevés des thérapeutiques innovantes? Plusieurs questions auxquelles a tenté de répondre M .Miloud Keddar, économiste de la santé et expert indépendant .
Pour lui, plusieurs pistes sont à explorer tout en mettant en avant le bénéfice de ce qu’il a qualifié d’« investissement dans la santé avec certes un coût élevé à court terme mais qui peut conduire à des économies potentielles pour le système de santé liées à l’amélioration des résultats cliniques et la réduction de certains coûts conventionnels notamment les hospitalisations, les complications et les décès », a-t-il expliqué en en rappelant à titre d’exemple, que des études ont montré que « Les thérapies ciblées ont permis de réduire les coûts de traitement de 20%. Ces économies potentielles peuvent contribuer à atténuer les coûts élevés de ces traitements ». M. Kaddar a précisé que cette approche ne peut être mise en place sans un préalable en matière d’efforts dans la recherche et développement, l’amélioration du système d’information, une meilleure organisation et mise à niveau de infrastructures, renforcer les partenariats publics privé et promouvoir la coopération internationale. « Il faut créer un écosystème pour promouvoir et faire un bon usage de cette médecine de précision », a-t-il résumé.
Qu’en est-il de cette médecine de précision pour ce qui du cancer bronchique qui fait l’objet d’une étude dans le cadre de ce projet ?
Pr Hassen Mahfouf oncologue et chef de service d’oncologie médicale à l’hôpital de Rouiba, a estimé qu’il est temps de mettre les jalons de cette médecine de précision dans notre pays au vu des bénéfices procurés par les traitements innovants qui sont disponibles en Algérie. « Ces médicaments notamment les thérapies ciblées et l’immunothérapie ont montré des résultats significatifs en terme de survie globale et de survie sans progression. Cette médecine de précision ne s’adresse malheureusement qu’à 45% des cancers bronchiques pour lesquels ont connait les drivers moléculaires soit l’immunothérapie soit la thérapie ciblée selon des critères définis », a-t-il expliqué tout en plaidant pour l’élargissement de cette prise en charge personnalisée pour ce qui d’autres mutations afin de mettre à la disposition du bon patient, le bon traitement au bon moment. Cette trilogie ne peut être effective sans les pathologistes ont fait savoir les spécialistes en anatomie pathologie présents en force à cette rencontre. « Pas de pathologistes, pas de thérapie ciblée », a conclut, l’intervenante du service anatomie pathologie du CHU Mustapha Bacha qui a présenté une communication sur les drivers moléculaires. La place de la radiologie dans l’évaluation post traitement n’est pas des moindres au vu de l’apport de l’imagerie dans le suivi de patients qui détecte le processus de normalisation ou de progression de la maladie. Ce qui permettra à l’oncologue de connaitre l’évolution de la maladie et prévoir de nouveaux schémas thérapeutiques ou simplement arrêter le traitement a souligné le Pr Feraoun radiologue libéral et de préciser :« ce qui permettra aussi d’économiser de nouvelles cures inutiles”.
A noter que ce projet PerMédina associe quatre membres du Pasteur Network à savoir l’Institut Pasteur de Tunis, l’Institut Pasteur d’Algérie, l’Institut Pasteur du Maroc et l’Institut Pasteur à Paris et d’autres institutions françaises de référence dans le domaine du cancer, telles que l’Institut Gustave Roussy. Ce projet, a souligné le Pr Derrar, marque une étape importante dans la structuration de la médecine de précision dans l’amélioration de la prise en charge des patients en facilitant l’accès aux tests génétiques et à la thérapie ciblée.
Djamila Kourta