Le Pr Mohsen Boubnider, chef de service de sénologie au CPMC et président de la société algérienne de sénologie et de pathologie mammaire met l’accent dans cette interview, qu’il nous a accordé, sur l’augmentation des cas de cancer du sein en Algérie et l’importance du dépistage afin de traiter précocement les premières lésions du cancer. Ce qui permettra aux patientes de bénéficier du traitement conservateur et d’éviter les thérapeutiques lourdes.
Propos recueillis
Par Djamila Kourta
La chirurgie est souvent le premier traitement préconisé dans le cancer du sein. Comment évaluez -vous cette activité au niveau de votre service.
Pr Boubnider : L’incidence du cancer du sein est en augmentation dans notre pays. Grâce aux progrès de l’imagerie médicale, nous arrivons, aujourd’hui, à traiter des cancers du sein infra clinique dont les taux sont passé de 2% à 20% sur une période de quinzaine ans. Mais, des efforts doivent être encore déployés pour améliorer le dépistage pour une prise en charge précoce de ces cancers. La chirurgie est effectivement l’une des indications dans le traitement du cancer du sein et elle est souvent préconisée au vu des stades généralement avancés de ces cancers.
Le service de sénologie au CPMC réalise une moyenne de 1000 chirurgies des cancers mammaires par an. Nous programmons quotidiennement une dizaine de patientes quatre fois par semaine. Pour l’année 2022, 1038 patientes ont été opérées et nous comptabilisons 6454 patientes opérées depuis 2017 à 2022.
D’après vos statistiques, peu de femmes bénéficient d’un traitement conservateur. Plus de 80% des patientes subissent une mastectomie. Pourquoi ?
Pr Boubnider : Dans cette dernière série de malades opérées de 2017 à 2022 dans notre service, 65,5 % des patientes ont subi la mastectomie soit 34,5% des patientes qui ont bénéficié d’un traitement conservateur alors qu’ailleurs dans le monde ce taux avoisine les 90%. La raison est claire. Les cas arrivent à des stades cliniques. Notre objectif est justement d’inverser cette tendance en encourageant le dépistage afin de pouvoir atteindre au minimum un taux de 40 à 50%. Un score qu’on peut considérer très appréciable au vu de l’état actuel de notre système de santé.
Le Centre Pierre et Marie Curie semble accueillir de nombreux cas particulièrement ces derniers mois. Est -ce que le centre dispose de tous les moyens pour la prise en charge de ces malades?
Pr Boubnider :Nous sommes un service spécialisé, on ne peut pas refuser les malades. La majorité des patientes prises en charge au niveau de notre service viennent du centre du pays et d’autres wilayas particulièrement la région de M’Sila et Boussaada. Nous avons effectivement enregistré une surcharge, ces derniers mois notamment cet été, parce que des services de chirurgie seraient probablement en congé. Par ailleurs, nous avons constatés que de nombreux cas de cancer du sein sont curieusement diagnostiqués, durant cette période de l’année. Il y a aussi, le fait que beaucoup de malades demandent à être traités à Alger en s’imaginant qu’ il y a plus de spécialistes et les traitements nécessaires.
Des centres anti cancers (CAC) sont pourtant implantés à travers les différentes wilayas du pays. Comment expliquez- vous cela?
Pr Boubnider :La problématique réside dans le fonctionnement de ces établissements qui n’ont pas un statut professionnel offrant un plan de carrière aux personnels de santé que ce soit le médecin ou l’infirmier. Pour faire fonctionner ces établissements, qui pour le moment gèrent des situations de détresse, il faut investir dans la ressources humaine et mettre en place des mesures incitatives au profil du personnel médical et paramédical. Les collectivités locales ont un rôle à jouer en mettant les moyens nécéssaires afin de permettre un accès aux soins aux populations locales. Ces collectivités locales doivent trouver les moyens d’attirer nos médecins et infirmiers comme le font si bien les pays étrangers.
D.K