Interview de Dr Samer AbiChaker, Leader Program Healthcare (CAPDEV)
Le fardeau des maladies non trasmissibles s’alourdit de plus en plus au vu du vieillissement de la population et de nouveaux traitements arrivent sur le marché avec des coûts faramineux. La maîtrise des dépenses de santé, un challenge auquel font face tous les pays du monde, fait désormais appel à de nouveau mécanismes permettant de générer des indicateurs pour évaluer la prise en charge des patients dans un contexte économique. Ainsi, la valeur en santé est un indicateur qui se mesure par rapport au gain en année de survie, le niveau de guérison et l’amélioration de la qualité de vie par rapport aux dépenses générées. Lesquels générant une valeur .
Le Dr Samer Abi Chaker, responsable des programmes de santé basé sur la valeur chez CAPADEV, société experte en la matière, nous explique ce concept qui permet de gérer efficacement les coûts tout en améliorant les résultats des patients. Un modèle de soins pour un système de santé fiable et un meilleur résultat en terme de santé.
Interview réalisée
par Djamila Kourta
Les soins de santé axés sur la valeur constitue un des modèles adopté à travers le monde pour un système de santé financièrement fiable. Pouvez -vous nous définir qu’est -ce -que le concept de soins fondés sur la valeur (VBHC) ?
Le concept des soins axés sur la valeur est aujourd’hui nécessaire au vu de l’augmentation de la demande en soins face aux ressources financières limitées constatés à travers le monde. Cette valeur représente le résultat des bénéfices obtenus par les traitements par rapport aux coûts mis en œuvre pour les patients. On doit évaluer ces résultats sur le patient sur le long du parcours.
En fait, les soins basés sur la valeur sont définis par cette équation qui est dorénavant le repère pour un système de santé fiable. Dans cette équation de la valeur, le numérateur qui représente les résulats, qui sont importants pour le patient, est divisé sur le coût des services dispensés. On a longtemps cru qu’il suffisait simplement de fournir en quantités les services de santé aux patients pour pouvoir améliorer la santé de la population. Mais, après plusieurs années, nous avons constatés, partout dans le monde, que les coûts associés à la santé ne cessent d’accroître même dans les systèmes de santé les plus avancés. Un grand challenge auquel font face tous les systèmes de santé dans le monde.
Initialement, l’idée a été développée aux Etats Unis, où l’accès aux services de santé est très limité. Aujourd’hui, ce concept peut s‘adapter à tous le systèmes de santé y compris ceux qui sont majoritairement public comme c’est le cas en Algérie. Ainsi, on se focalise sur les résultats « valeur santé patient », ce que le patient souhaite obtenir et non pas les résultats des volumes traitements. Ce qui nécessiste donc une réflexion sur le mode de financement, et les soins basés sur la valeur en est une solution. Le remboursement basé sur la valeur est la méthode qui consiste à être d’être payé pour trouver des moyens d’améliorer la santé de vos patients et pour la qualité des soins qu’ils fournissent, contrairement au modèle de soins traditionnel où les médecins sont payés pour leurs services.
Comment doit se faire le passage du système du volume vers la valeur pour assurer des soins durables?
C’est une très bonne question. Imaginez-vous que vous avez une terre agricole et que vous devez l’arroser quotidiennement. Vous avez deux méthodes, soit vous utilisez un grand tuyau pour pouvoir arroser toute la surface, avec des pertes d’eau considérables et des coûts élevés, ou bien vous optez pour des tuyaux spécifiques qui arrosent chaque arbre selon les besoins nécéssaires à leur croissance. Le choix est vite fait. Il est donc judicieux d’alimenter en eau chaque arbre selon le besoin que vous avez au préalable identifié. A ce moment -là, vous pouvez donc planifié vos ressources selon les besoins sachant dans le volume les coûts sont immenses et qui vont être, à un certain moment, limités dans le temps.
Il donc essentiel de chercher à comprendre et à identifier les besoins nécessaires à chaque patients avec, bien sûr, sa participation, pour investir les ressources nécessaires pour la prise en charge. Ce qui peut être adapté à tous les systèmes de santé y compris en Algérie où le financement est assuré principalement par l’Etat avec la gratuité à l’accès au secteur public. Au vu de l’augmentation des demandes de soins et des coûts de prise en charge, il sera difficile de maintenir ce modèle car cela se fera au dépend de la qualité des soins.Ce besoin de changement s’est accentué avec l’épidémie covid-19 à travers le monde, et l’Algérie ne peut pas rester en marge de cette mutation.
Quels sont les mécanismes à mettre en place pour justement arriver à installer ce concept de soins fondés sur la valeur ?
Il faut savoir que la transition vers la santé basée sur la valeur n’est pas une transition rapide. Cela entraine non seulement des changements du système mais aussi le changement de mentalité chez le personnel de santé, les institutions et le patient lui-même. Le processus de changement est introduit étape par étape et cela commence par la collecte des données relatives aux patients avec l’introduction des codifications des pratiques cliniques et non pas des protocoles cliniques. Ce qui nous intéresse est la réalité du terrain et non pas ce qui est décrit dans la littérature. Ainsi, la mise en oeuvre du dossier électronique du patient est la règle principale pour aboutir à cette démarche.
C’est à partir de là, que nous allons identifier les besoins non satisfaits et qui ne sont pas liés seulement aux patients. Le recueil des données aboutissant à une big-data nous donnera une vue globale de la situation et nous permettra, ainsi, d’identifier les leviers essentiels du changement et agir afin d’ améliorer les indicateurs des résultats du patient et arriver à la performance. Vient par la suite l’évaluation de cette performances qui se mesure sur des niveaux de coûts selon les objectifs réalisés soit la valeur. Le budget doit être donc réparti sur les programmes et définir le cout pour chaque résultat acquis. Réellement, ces payements se feront par service et ce n’est pas toutes les programmes qui peuvent bénéficier de cette approche tels que la médecine primaire.
L’Algérie a l’opportunité aujourd’hui, de passer à ce nouveau mode de payement basé sur la qualité des résultats obtenus sur des programmes de santé notamment dans le cancer.
Comment adapter toutes ces mesures dans la pratique hospitalière notamment dans la prise en charge du cancer du sein par exemple ?
L’approche de la santé basée sur la valeur est une approche globale. La collecte des résultats des patients, l’élément essentiel dans cette approche, se fait selon des standards et indicateurs internationaux (par ICHOM une entité internationale qui définit les standards pour la santé basé sur la valeur) qui peuvent être adaptés au niveau local .
Pour se faire on utilise des instruments notamment des questionnaires spécifiques aux patients et à leurs pathologies adaptés à chaque pays afin de tracer le parcours de soins.
Cette collecte d’informations se fait dès le diagnostic de la maladie, avant d’entamer les soins notamment la chirurgie, la chimiothérapie et radiothérapie. Cette collecte de données se poursuit après chaque traitement finalisé et elle continuera à se faire annuellement. L’objectif recherché est donc de mesurer les résultats obtenus et l’impact sur la qualité de vie de ces patientes atteintes de cancer de sein. Une approche qui permet à la patiente de comprendre sa maladie et participer à sa prise en charge. Nous travaillons en collaboration avec le laboratoire Roche Algérie sur ces instruments pour justement les adapter aux conditions locales.
Quels sont les avantages de cette approche de soins basés sur la valeur ?
Globalement, il y a plusieurs avantages qui concernent les différentes parties liées au système de santé.
En premier lieu , il y a le patient qui est, à travers cette nouvelle approche, écouté, mieux compris et impliqué directement dans sa prise en charge. De l’autre côté, il y a les prestataires qui sont de plus en plus proches de leur patient et incités à améliorer la qualité des soins d’autant qu’ils disposent d’outils pour personnaliser les traitements.
Pour les bailleurs de fonds, la santé fondée sur la valeur permet également la réduction des coûts inutiles et le gaspillage, en offrant des bons traitements efficaces avec des coûts réduits . C’est également un avantage pour les pouvoirs publics de voir le patient responsable de sa maladie et impliqué directement en tant que partenaire avec les prestataires de soins . Les soins basés sur la valeurs favorisent une approche centrée sur le patient, conduisant à une meilleure satisfaction des patients et à de meilleurs résultats en terme de santé.
D.K